lundi 28 septembre 2009

L'art d'apprivoiser le buffle


"L'art d'apprivoiser le buffle" est une parabole des étapes de l'éveil dans la culture zen. Chacune de ces étapes est symbolisée par un tableau. Il y a en tout dix tableaux accessibles par ce lien
qui vous présente la version donnée par un grand maître zen du XIIème siècle, Kakouan. (Ce document est issue du site de M. Jean-Yves Leloup.)
Outre le fait que cette lecture peut être un élément supplémentaire pour aider chacun dans sa démarche spirituelle, "l'art d'apprivoiser le buffle" peut apporter un regard nouveau sur les notions de grade dans le Karaté et donner du sens spirituel à ces derniers. On peut chercher un lien entre les dix tableaux et le sens des dan, et également sur la symbolique du retour à la ceinture blanche qui est porté à partir du 5ème dan dans certaines écoles de karaté. Je cite ci-après une version de l'histoire du karaté (Il y en a tellement...) issue d'un site de karaté du courant kyokushin:
"Dans l’histoire du karaté, il n’y avait, au tout début, que des ceintures de couleur blanche. Le maître interdisait à ses élèves de laver leur ceinture. À force d’être portée, elle devenait de plus en plus foncée et ce, jusqu’à devenir noire. À ce stade, l’élève passait un test équivalent aujourd’hui à l’examen de passage de ceinture noire. Après un passage réussi, le maître permettait à l’élève de laver sa ceinture, qui redevenait blanche. Ainsi l’élève revenait aux sources. Il retrouvait une nouvelle pureté, un nouveau potentiel pour apprendre d’autres principes du karaté."
Au delà des querelles de chapelle, chacun des courants du karaté essaie d'exprimer l'esprit du karatédo. C'est ce qui les réunit fondamentalement et la lecture de
"L'art d'apprivoiser le buffle" vous aidera peut-être à ressentir un peu plus le Do dans le karaté.

Bonne lecture.

mercredi 16 septembre 2009

La pédagogie de la répétition



L'enseignement au karaté s'appuie pour une grande part sur la répétition inlassable des techniques.
Cette pédagogie de la répétition se retrouve dans tous les arts martiaux bushido. Elle incarne en soi l'esprit du Do. Le maître zen Shunryu Suzuki (photo ci-dessus) consacre un article entier à la répétition: "Si vous perdez l'esprit de répétition, cela deviendra difficile." et de rajouter : "La vraie pratique consiste à recommencer sans cesse jusqu'à ce que nous ayons trouvé (...). Notre voie consiste simplement à pratiquer (...)."
Cette répétition peut user la motivation surtout lorsqu'on ne perçoit aucune avancée personnelle. M. Herrigel décrit ce moment où le désir même d'apprendre s'étiole: "Plusieurs semaines s'écoulèrent sans que j'eusse marqué le moindre progrès. Je constatai par contre que cela ne me touchait aucunement. L'art tout entier m'était-il donc devenu indifférent? L'apprendre ou ne pas l'apprendre, découvrir ou ne pas découvrir ce que le Maître entend par ce "quelque chose", trouver ou ne pas trouver l'accès du Zen, tout cela me faisait subitement l'effet de s'être éloigné de moi, de m'être devenu si indiférrent que je ne m'y attardais plus. Je me proposai plus d'une fois de m'en ouvrir au Maître mais dès que je me trouvais devant lui, je perdais tout courage; j'étais persuadé que l'unique réponse que j'obtiendrai de lui serait cette objection ressassée: "N'interrogez pas, entraînez-vous!". Je renonçais donc à l'interroger et, si le Maître ne m'eût retenu d'une emprise aussi inexorable, j'eusse volontiers aussi renoncé aux exercices. Atone, je passais d'un jour à l'autre, exécutant tant bien que mal ma tâche professionnelle et je ne m'affectais même plus de constater mon indifférence devant tout ce à quoi durant des années je m'étais donné avec persévérance."

Ce point fait apparaître l'unicité entre les arts martiaux et le travail spirituel dans le Do car pratiquer un art martial est en soi une activité qui développe "l'esprit juste", sans idée d'acquisition, appliqué dans l'instant présent.
"Nous disons que votre pratique devrait être sans esprit d'acquisition, sans aucune attente, même celle de l'illumination." explique Maître Suzuki." Quand vous abandonnez, quand vous avez cessé de vouloir quelque chose, ou que vous n'essayez pas de faire quelque chose de spécial, alors vous faites quelque chose. Lorsque votre activité ne comporte pas l'idée d'acquisition, alors vous faites quelque chose. (...) Si vous continuez chaque jour cette pratique, vous obtiendrez une puissance merveilleuse. (...) Il suffit d'être sincère et de donner tout son effort à chaque instant."
Ainsi la répétition est un double outil pédagogique qui permet d'acquérir la technique juste par imitation du geste du maître et l'esprit juste. La volonté s'émousse et perd sa motivation dans la répétition pour se délier petit à petit de l'idée d'acquisition. C'est un travail lent, imperceptible, qui se révèle dans la durée.

En ce début d'année scolaire, je vous souhaite une très belle reprise dans vos cours de karaté et vous laisse avec les encouragements du maître Suzuki:
"Dans le brouillard, vous ne savez pas que vous commencez à être mouillé, mais, tout en marchant, vous êtes peu à peu mouillé. Si vous avez à l'esprit des idées de progrès, vous direz peut-être: "Oh, cette allure est insupportable!" En fait, elle ne l'est pas. Quand vous êtes mouillé par le brouillard, il est très difficile de se sécher. Inutile, donc, de vous inquiéter du progrès."